Cet article sur la médiation familiale est tiré des propos et textes recueillis par Mme Jocelyne Dahan, médiatrice familiale à l’atelier familial de Toulouse. Family Facility ne revendique pas la paternité de ces propos et ne souhaite que partager le point de vu d’un professionnel agréé nous permettant de montrer l’importance que peut avoir un médiateur dans une situation de séparation.
Introduction à la médiation familiale
La médiation familiale a connu au cours des dernières années d’importantes mutations. Apparue dans la foulée d’une remise en question des pratiques traditionnelles de justice, elle a pu graduellement compter sur un corps de textes fondateurs et sur la stabilisation de ses modèles de référence. Ces cadres théoriques et empiriques ont pu assurer sa légitimité et sa spécificité et permettre une extension de son champ d’intervention incluant, progressivement, une large palette de conflits intra-familiaux autant pour conséquence une rupture de la communication pouvant entrainer une rupture du lien.
L’insertion de « l’enfant », le mineur dans sa généralité, au sein du processus de médiation est un élément, qui depuis l’émergence de la médiation familiale, a toujours produit un débat, au sein même, du groupe des médiateurs familiaux favorisant une controverse : pour ou contre.
Dans cet article Jocelyne Dahan et ses confrères présenteront, dans un premier temps, un état des lieux de la place de l’enfant en médiation, puis les démarche qui les ont amené à la mise en place d’une intervention spécifique en direction des adolescents pour, enfin, décliner l’application de ce processus spécifique.
Les différents modèles repérés en médiation pour l’enfant
1. L’enfant est reçu seul sans qu’il n’y ait de restitution aux parents ;
2. L’enfant est reçu seul : sa parole est restituée, alternativement, en la présence de chacun de ses parents pour ne pas remettre en scène l’illusion d’une famille qui n’est plus réelle dans son fonctionnement au quotidien ;
3. L’enfant est reçu seul puis le médiateur effectue une restitution en la présence des deux parents ;
4. Un entretien familial sur le modèle de la thérapie familiale systémique est réalisé afin de permettre à l’enfant de participer, la prise en compte directe de ses besoins par ses parents
5. L’entretien est réalisé en la présence des parents et il est de mandé aux parents de rester observateurs ;
6. Des groupes de paroles pour enfants sont organisés en parallèle de la médiation à laquelle ne participent pas les parents.
Ces différents modèles sont partagés par un grand nombre de médiateurs familiaux mais ne pas de façon explicite la question des ruptures de liens entre adolescents et parents consécutivement à la séparation de leurs parents.
La médiation familiale parents / adolescents
L’observation des enfants, dont les médiateurs accompagnent les parents, met en évidence le fait qu’ils réagissent par la modification de leurs comportements en développant des somatisations de tous ordres, en inventant toutes sortes de stratégies pour signifier leurs malaises.
Aujourd’hui, environ 40% des enfants concernés par ces problématiques familiales n’ont plus de relation avec le parent dont ils ne partagent pas le quotidien. Ces chiffres sont corroborés, en France, par le rapport de la Défenseur des Droits de l’Enfant.
Ces situations peuvent avoir des conséquences importantes pour ces jeunes : trouble du comportement, actes de petite ou moyenne délinquance, etc. Cependant, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant indique le Droit de l’Enfant à avoir accès à ses deux parents, ses deux lignées.
Par ailleurs, les médiateurs ont pu vérifier que les médiations incluant uniquement les parents en mettant les « enfants » (le plus souvent les adolescents) en dehors de ce processus amènent, souvent, à un blocage de la mise en œuvre des décisions parentales et ne permettent pas un travail de remise en lien lorsque la relation est rompue depuis des mois ; voire des années.
Même si au demeurant depuis 2007, il est prévu que le mineur soit informé par ses parents du fait qu’ils ont introduit une procédure et qu’il peut demander à être entendu par le Juge aux Affaires Familiales, la réponse judiciaire ne permet pas toujours de pouvoir renouer ces liens, c’est dans cet objectif de soutien à une reprise de lien entre enfant et parent que s’inscrit cette action.
Cette loi de 2007, relative à la Protection des mineurs, l’audition de l’enfant répond à des critères précis : « Art. 338-1. Le mineur capable de discernement est informé par le ou les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale, le tuteur ou, le cas échéant, par la personne ou le service à qui il a été confié de son droit à être entendu et à être assisté d’un avocat dans toutes les procédures le concernant. », enfin le décret du 24 mai 2009 stipule le fait que « l’audition du mineur » doit faire l’objet d’un rapport et transmis à chacune des « parties » dans le cadre de la procédure qui est de type contradictoire. Dès lors, les médiateurs peuvent s’interroger quant à la place de cet entretien lorsqu’il est demandé par un Magistrat.
C’est face à ces constat que les médiateurs ont développé un modèle de travail « médiation parents / adolescents et remise en lien », d’abord de façon empirique, puis en conceptualisant.
Conclusion
C’est bien parce que les médiateurs ne pouvaient pas ignorer l’implication voir l’utilisation des enfants dans la séparation de leurs parents, qu’ils ne pouvaient plus les laisser sur le pas de la porte de nos bureaux.
Associés à une place, pouvant exprimer leurs blessures et leurs besoins ils retissent une page de leur histoire. La difficulté de la gestion de la séparation réside, notamment, dans l’enchevêtrement d’affects et de données économiques. Les conjoints ne sont pas placés sur un plan d’égalité face à cette décision, ce décalage génère un décalage émotionnel, induit des peurs, des angoisses : « Je ne veux pas perdre mes enfants, comment vais-je pouvoir assumer seul(e) ? etc. », tels sont parmi les propos entendus fréquemment dans les bureaux des médiateurs.
Ce phénomène de perte est assimilé par de nombreux psychiatres, aux étapes d’un deuil, et déclinent dix étapes émotionnelles consécutives au divorce, à la séparation.
Cette hypothèse montre la nécessité de donner du temps à chacun pour permettre de « reprendre » son souffle avant de pouvoir organiser les relations autour des enfants.
L’une des difficultés exprimée, la plupart du temps, c’est la difficulté d’acceptation des décisions judicaires : « Le juge ne m’a pas écouté », « Nous n’avons eu que quelques instants pour que notre vie soit décidée … ». La symbolique de notre société de doit et de justice en prend un coup.
Notre société a peu à peu, bannis les rituels, les « initiations », si on prend le temps de choisir son mode de conjugalité, on ne peut souvent prendre guère de temps pour choisir sa séparation.
En offrant un espace extérieur, un accompagnement qui tend vers l’impartialité, ou la multi-partialité, le médiateur familial va donner aux personnes le temps de donner du sens à la séparation, le conflit est abordé, explicité et non pas escamoté.
Puis pas à pas, la réalité est abordée, qui prend quoi, comment chacun va continuer à assumer financièrement les charges quotidiennes, où et comment vont vivre les enfants, comment seront maintenues les relations intrafamiliales avec l’ensemble du réseau. Telles sont, parmi d’autres, les questions abordées, échangées, négociées jusqu’à permettre l’émergence d’un accord qui prenne en compte les besoins de chacun dans sa réalité.
Comment peut-on imaginer qu’au lendemain d’une séparation, chacun peut regarder l’autre et se mettre à organiser la relation parentale dans « l’intérêt » de l’enfant, utilisée comme un paravent cette notion n’est en réalité poussée en avant que par impossibilité de dire sa souffrance d’adulte, il est plus moral de s’occuper de ses enfants que de sa souffrance, et pourtant …
Ce que disent les enfants, les adolescents dans les bureaux des médiateurs est clair : « On ne voulait pas qu’ils se séparent, mais maintenant, qu’ils arrêtent de se battre … ».