Mathilde et Michel ont été mariés pendant dix huit ans, deux enfants sont nés de leur union : Kévin, âgé de dix-sept ans et Julien, âgé de quatorze ans.

Après quatorze ans de vie commune, Mathilde introduit une procédure de divorce : « il ne me servait à rien, explique t-elle quand nous la recevons, nous n’avions pas besoin de lui et aujourd’hui, c’est toujours pareil ».

S’en suit un combat judiciaire, Michel veut voir ses enfants et refuse la césure du lien, il explique à ses enfants « sa vérité », sur la rupture, pris en étau entre deux parents qui s’écharpent sur la scène judiciaire, de blâmes en blâmes d’un côté comme de l’autre, les deux parents s’essoufflent.

Kévin, lors d’un temps d’accueil en fin de semaine chez son père lui demande de participer à un projet de séjour extra-scolaire, « Avec tout ce que je donne à ta mère, elle n’a qu’à payer ! ». Kévin rétorque, défie son père du haut de ses seize ans, un échange de coup part.

Kévin n’en peut plus de ses conflits, d’être le messager, celui qui doit tout entendre, il met un terme à la relation avec son père, de plainte en plainte pour avoir accès a son fils, les deux parents continuent de plus belle le combat.

Mathilde saisit le Juge des Affaires Familiales, Kevin demande à être entendu, assisté de son avocat. Le magistrat reçoit les parents puis Kévin, la tension est à son paroxysme. Le Juge des Affaires Familiales leur propose une médiation familiale. Après que chacun d’entre eux s’entretienne avec son avocat, ils acceptent sans conviction cette proposition pour laquelle le magistrat stipule « les parents donnent leur accord pour une mesure de médiation à laquelle devra être associé Kévin ».

Nous invitons les deux parents pour un entretien d’information préalable à la mise en place de la médiation. Mathilde arrive dans nos locaux, quelques instant après Michel. Kévin est là, Julien aussi, ils encadrent leur mère comme pour la protéger, mais de quoi ? De qui ?

Aussitôt que Mathilde aperçoit Michel, elle sort de la salle d’attente, se met à pleurer à grands cris : « Je ne veux pas le voir, si vous saviez, madame … D’ailleurs ce n’est pas moi qui doit venir, c’est lui avec mon fils, je vous en pris, faites attention à mon fils … ». Telle est l’entrée en matière !

Avec fermeté et calme, nous lui expliquons notre cadre de travail et le fait que dans un premier temps, il est important, pour nous, de recevoir les deux parents, notre rôle. Peu à peu, elle se calme, accepte de rentrer dans la salle de médiation.

Dans un autre bureau, nous recevons quelques instants Kévin et Julien, ils sont pétrifiés, l’aîné refuse de voir son père, Julien qui continue à se rendre chez lui, une fin de semaine sur d’une sait quelle attitude adopter et regarde son frère pour rechercher un accord : « Je peux lui dire bonjour ? ». Nous leur expliquons ce qu’est la médiation, pourquoi nous recevons leurs parents seuls, dans un premier temps et convenons d’un rendez-vous ultérieur avec Kévin.

Pendant tout ce temps, Michel reste assis dans la salle d’attente, la tête entre les mains. Un fois le calme revenu et le cadre posé, nous définissons un premier rendez-vous pour recevoir, conjointement, les deux parents. Mathilde ne peut s’empêcher de nous glisser « C’est par respect pour vous et votre travail que j’accepte ! ». Nous signifiant qu’elle ne fera pas un pas vers le père de ses enfants.

Deux entretiens effectués en co-médiation. C’est la première fois qu’ils se retrouvent en face-à-face depuis leur séparation, les blâmes fusent, les rancoeurs s’étalent de part et d’autre. L’une reproche à l’autre d’avoir « refait sa vie », l’autre de l’empêcher de voir ses enfants et de le dénigrer. Peu à peu, les échanges sont plus calmes, chacun accepte d’entendre l’autre même si, au demeurant, la confiance n’existe plus. Des années après la question du pourquoi tu as voulu ce divorce, revient en force, nous organisons les temps de parole.

Sur la trame de la loi relative à l’exercice en commun de l’autorité parentale, des besoins de leurs enfant, de la place nécessaire de chaque parents auprès d’eux, ils acceptent que nous recevions Kévin, puis d’être présents, ensemble, pour un entretien de restitution de cette rencontre.

Kévin arrive seul, sa mère téléphonera trois fois pendant notre entretien d’une heure. Il est tendu, puis à l’appui de nos techniques utilisées pour les entretiens d’enfants, il commence à parler. Nous lui indiquons que notre posture de médiateur rend, pour nous, nécessaire, une restitution de cet entretien à ses deux parents, nous nous situons comme le lien entre lui et eux, il ne sera pas le message.

Kevin explique sa blessure d’avoir reçu un coup de poing de son père. Il dit sa lassitude de vivre ces conflits au quotidien. Indique qu’il veut retrouver le calme et qu’il a préféré couper la relation avec son père pour enfin être tranquille.

Sur le papier, il note ce dont il a besoin, ce qu’il souhaite pouvoir dire à ses deux parents sans avoir pu le faire jusqu’à aujourd’hui. Nous terminons en reprenant tous ses propos, en lui indiquant que nous les transmettrons à ses deux parents et lui expliquons la suite de la médiation et notamment un prochain temps où il sera reçu, seul avec son père. il accepte et repart plus détendu qu’à son arrivée.

Ils repartent avec la décision de partager un repas au restaurant, seuls, la date est fixée par eux. Fil tenu de cette reprise de lien mais un premier pas.

Quelques entretiens vont encore se suivre. Les deux parents acceptent de se dire bonjour, décident de plus prendre les enfants à témoins de leurs conflits. Le temps de restitutions de demandes de Kévin a été empreint d’une émotion forte pour les deux parents, le conflit est descendu même si l’un et l’autre disent leur désir de ne plus se voir.

Michel à rencontré le professeur principal de Kévin, il soutient le projet professionnel de son fils : devenir maître chien après le bac.

Un dernier entretien commun en la présence des deux enfants et de leurs parents marque la fin de la médiation. Un espace qui a permis à chacun de s’exprimer mais aussi, à chacun d’être à sa place, dans sa fonction sans glissement générationnels et surtout la possibilité, à leur plus grand étonnement, pour ces deux jeunes de vérifier que leurs deux parents pouvaient être dans un même lieu sans danger.

Comme pour toute médiation, nous ne savons pas ce que sont devenus leurs accords, comme l’histoire de cette famille qui n’appartient qu’à elle seule !

Voici le pouvoir de la médiation et des biens faits que celle-ci peut apporter à une famille détruite par la séparation.

Histoire contée par Jocelyne Dahan, médiatrice familiale – Atelier Familial de Toulouse.